Place au futur de la protection des cultures avec Rachel

Femme souriante

Le climat change et les attentes sociétales aussi. Le monde agricole doit se transformer autour de cette double exigence. Durabilité, sécurité, adaptabilité, qualité, productivité… la protection des cultures est au cœur des mutations attendues pour demain. En miroir des changements dans les champs, la R&D Bayer a pris un tournant radical ces dernières années grâce aux avancées combinées de la biologie des systèmes et de l’intelligence artificielle. On en parle avec Rachel qui dirige les efforts de 1000 chercheurs, qui ont totalement renversé la table pour innover… dans la manière d’innover. Alors place au futur de la protection des cultures, place à Rachel. 
 

Bonjour Rachel, qu’entend-t-on par protection des cultures ?

La protection des cultures englobe toutes les solutions permettant de lutter contre les menaces pour les cultures agricoles : maladies (champignons), insectes ravageurs et mauvaises herbes. Ces solutions sont très variées et se combinent entre elles : des semences plus résilientes, du biocontrôle, du digital et de la chimie conventionnelle. Sur ces questions, la nouvelle donne sociétale et réglementaire fait que le monde agricole se trouve face à de nombreux défis. Notre objectif en tant que chercheurs est d’accompagner la transformation agroécologique en cours, en trouvant des pesticides encore plus ciblés et efficaces. On doit chercher, on doit innover, on doit trouver. 

Le monde de la recherche est-il en train de vivre une mutation ?

Oui, ce qui est très intéressant dans la séquence historique actuelle c’est que nous vivons la conjonction d’avancées scientifiques et d’avancées technologiques, deux domaines qui nous ouvrent le champ des possibles. D’un côté, la compréhension du fonctionnement des cellules a fait un bond en avant ces dernières années, grâce à la biologie des systèmes. De l’autre côté, l’intelligence artificielle démultiplie de manière exponentielle certaines de nos capacités et nous en offre même de nouvelles. 

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Nous avons changé en tout la manière de procéder et nous avons nommé cette nouvelle approche CropKey ; littéralement la clef des champs, ou la clef des moissons. 

Quelle est l’approche CropKey ?

Avant de rentrer dans le détail, je dois juste donner quelques éléments de biologie. C’est simple. Tous les organismes vivants sont constitués de protéines, y compris les ravageurs qui endommagent les cultures : mauvaises herbes, insectes nuisibles, champignons responsables de maladies. Si nous pouvons modifier l’activité ou inhiber une certaine protéine en introduisant une molécule dans l’organisme, nous pouvons inhiber ces ravageurs.

Revenons à CropKey, notre nouvelle approche totalement disruptive de la recherche. Avant, notre point de départ était la molécule : les chercheurs testaient empiriquement des centaines de milliers de molécules, en espérant trouver la bonne. 

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que nous imageons par une serrure. Puis nous concevons la molécule adaptée – la clé – à cette serrure, et seulement à elle, avec une précision chirurgicale ! C’est comme si, avant, nous testions des centaines de milliers de clefs pour voir laquelle finirait par correspondre à la serrure. Alors qu’aujourd’hui, on part de la serrure (la protéine) pour créer la clef sur-mesure (la molécule). Exprimé ainsi, on a l’impression de passer d’un âge à un autre. C’est exactement le cas ! 
 

Vous auriez quelques exemples sur l’aide de I’IA ?

L’IA nous permet aujourd’hui de modéliser des protéines en 3D ; on a donc une idée très fine de la structure pour “designer” la molécule qui viendra s’insérer dans la protéine pour l’inactiver. C’est le cœur de l’approche clef/serrure. Nous travaillons aussi sur la manière de prédire la performance des molécules d’après la structure et leurs chances de succès dans l’environnement du champ, dans le but de ne tester dans le “réel” que les molécules les plus prometteuses. Tous ces éléments accélèrent considérablement le processus de recherche.  

L’IA démultiplie également nos capacités : grâce à la microscopie automatisée et au traitement des images par l’IA, nous avons la capacité de prendre en compte plus de 500 images en quelques minutes là où nous étions capables d’en générer 50 par jour. Nous pouvons comprendre avec beaucoup plus de précision certains mécanismes comme l'interaction entre les molécules et les cellules de champignon ou détecter les symptômes des maladies des plantes avant même qu’ils ne soient visibles par l’œil humain.

Nous sommes aussi passés de 3 à plus de 15 dimensions prises en compte simultanément, dès le stade de recherche. Nous pouvons prédire des paramètres comme la sécurité pour l’homme, les mammifères, l’environnement – par exemple la dégradabilité d’une molécule –, mais aussi l’efficacité, ou le coût. Ça ne veut pas dire, qu’avant, ces paramètres n’étaient pas pris en compte. C’est seulement qu’aujourd’hui ils sont pris en considération simultanément via les modèles prédictifs dès les premières phases de recherche (là où certains ne pouvaient être évalués qu’au cours du développement). Cropkey apporte des niveaux jamais atteints de précision, de sécurité et de durabilité ; il permet d’aller au-delà des normes actuelles, minimise considérablement l'impact de la protection des cultures sur l'environnement, et établit une nouvelle référence pour l’industrie. 

Et les résultats sont au rendez-vous ?

Oui et tangibles. Si on prend l’exemple des herbicides : pour certains enjeux de désherbage, aucun nouveau mode d’action de post-levée n’a été mis en marché depuis 30 ans… Nous avons aujourd'hui un projet au stade avancé sur ces questions. Globalement nous avons une trentaine de nouvelles cibles (verrous) en cours d’investigation, dont une dizaine en recherche initiale, et 5 en recherche avancée. Comme l’approche CropKey est une vraie révolution, on est légitimement en droit de s’attendre à de grandes avancées dans les années qui viennent. 

Et vous là-dedans, qu’est-ce qui vous tient à cœur ?

Au-delà de l’aspect scientifique, ce qui compte pour moi c’est de mettre en place un écosystème propice à l’innovation. Parce qu’on ne décrète pas la créativité ! Quand on travaille sur le vivant, on nage en plein dans le complexe et quand on se penche sur la biologie des systèmes, on a vite tendance à voir les choses au prisme de la réaction en chaine, de l’interaction, de l’échange. Ce qui, traduit en termes de valeurs d’entreprise, nous oriente naturellement vers la diversité et l’inclusion. Nous avons développé plus largement les partenariats avec des start-up pour favoriser une innovation plus ouverte, ou encore changé notre politique de recrutement pour accueillir des profils d’une grande diversité qui apportent un état d’esprit indispensable à la recherche. Et évidemment, qui dit diversité dit inclusion, donc respect, égalité, ouverture, rencontre, partage… un ensemble de valeurs à faire vivre de manière concrète, sans incantation, pour donner à chacun une place qui contienne les conditions d’une croissance personnelle au sein d’une aventure collective guidée par des enjeux forts, comme la sécurité alimentaire, la santé et celle de notre planète. Parce que tout dépend, au sein d’un écosystème, des serrures que vous voulez ouvrir et donc des clefs que vous aurez besoin de créer… sur mesure.